"Tu ne tueras point"
Gibson la rédemption. Devenu personae non grata dans son propre pays, l'acteur réalisateur se fait fort de vouloir reconquérir son public et ses collègues de boulot.
En tant qu'acteur, il a plus ou moins rempilé dans la peau d'un ersatz de Martin Riggs dans "Blood father" et ça fonctionne toujours aussi bien.
Le voilà maintenant de retour dans la peau de réalisateur quelque dix ans après le mésestimé et méconnu "Apocalypto". "Tu ne tueras point" est parfois présenté comme l'antithèse de "American sniper" le film de Clint Eastwood qui présentait un soldat qui se retrouvait récompensé suite à son "record" de têtes tombées sous l'impact des balles de son fusil. Une comparaison qui ne plaît guère à Gibson qui n'a sans doute jamais cherché à faire un pied de nez au réalisateur d"Impitoyable" alors que leurs carrières pourraient pourtant être en bien des points comparées.
Puisque Gibson veut se reconstruire et rappeler par là même quel grand cinéaste il est, il est allé chercher le meilleur sujet qui soit pour lui. L'histoire véridique de Desmond Doss, ce jeune soldat qui s'est refusé à toucher une arme alors qu'il s'est engagé à batailler contre les Japonais pendant la seconde guerre mondiale, permet à l'ex Mad Max de flirter avec ses vieux demons qui sommeillent en lui tout en apportant une certaine médecine pour palier à la colère qui sommeille en lui. Gibson est un peu le Dr Jekyll et Mister Hyde d'Hollywood.
Gibson le cinéaste se positionne dans la peau du personnage cruel en infligeant toutes les phases les plus sadiques que cette guerre a pu infliger. Et à ce titre il ne nous épargne rien. A travers un schéma qui peut parfois rappeler "Full metal jacket", le film se distingue en deux parties distinctes qui voit d'abord la dureté de l'entraînement puis les mêmes soldats partir au combat. Et là Mister Hyde se lâche. Il nous balance toute la cruauté de la guerre à travers des images d'une violence inouïe mais paradoxalement d'une splendeur de tous les instants . Chaque plan, chaque image est superbe, d'une totale maîtrise. La violence n'est jamais gratuite et ne tombe jamais dans l'excès. La guerre c'est ça hélas.
La face embellie de Gibson, celle du mea culpa qui lui fait déclarer à tous qu'il n'est pas (que) cette mauvaise personne décrite par les médias, l'acteur/réalisateur se l'octroie à travers le héros de son film. Puisqu'il est trop vieux (pour ces conneries ?) pour incarner ce jeune héros pacifiste, Andrew Garfield est chargé de le représenter. Voilà quelque temps déjà que l'on observe ce jeune talentueux acteur et, sans mauvais jeu de mots compte tenu du sujet du film, que l'on attendait qu'il "explose". C'est chose faite ici où il apporte toute son innovence juvénile accompagnée d'une ténacité impériale. Il est facile de comprendre ce qui a séduit Gibson chez Garfield. L'acteur est tel un volcan éteint dont il est légitime de se demander s'il ne va pas entrer en éruption.
Le reste du casting est impeccable composé de "gueules" bien connus. Du trop rare et excellent Vince Vaughn à l'ex Mister Smith de "Matrix", Hugo Weaving en passant par Sam Worthington et sans oublier la mimi Teresa Palmer, ils sont tous au top de leur art.
"Tu ne tueras point" est la preuve formelle que de grands films peuvent encore exister. La cinquième réalisation de Mel Gibson n'est pas du tout loin du chef d'œuvre et n'aura aucun mal à devenir une référence du genre dans les années à venir.
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