"Mektoub my love : Canto uno
Il y a encore peu on ne savait rien du nouveau film de Abdellatif Kechiche. Sa date de sortie a elle même été annoncée sur le tard accompagnée d'une bande-annonce dont il était difficile de définir quel en était le sujet. À ce dernier propos, à celui qui vous demanderait de quoi parle le film après que vous l'ayez vu, nul doute que vous aurez peut être du mal encore à le définir.
Mais attention cela n'est pas péjoratif. Car une histoire il y en a bien une ou plutôt unes. "Mektoub my love" c'est d'abord, c'est surtout, une ode au désir. Sous toutes ses formes. Mais Kechiche n'aborde pas le sujet en bombardant son film de scènes de sexe avec la crudité qui peut être la sienne. La seule du genre est au tout début offrant à "Mektoub" la scène d'ouverture la plus torride depuis "37,2 le matin". Mais le cinéaste n'ira pas plus loin.
Pourtant les corps de ces jeunes hommes et surtout de ces demoiselles ne vont pas en finir d'être filmés sous toutes les coutures. Jamais de nudité mais toujours un érotisme ambiant, un pur feu de braise permanent qui captive à chaque instant au gré des apparentes banalités qui semblent cependant être dites.
Ces histoires pourtant se vivent avec une captivité de tous les instants. Cela en est même étonnant, surprenant. Comment ce sacré cinéaste arrive à nous passionner par des instants que chacun de nous a déjà vécu ? Justement à cause de cela. Qu'importe que le film se passe dans les années 90, il reflète une jeunesse d'antan, de maintenant, de demain.
Surtout que Kechiche prend son temps, le film dure trois heures, avec des scènes qui s'enchaînent dans des rythmes radicalement différents. Le plus flagrant est cette étonnante séquence de quinze minutes où notre jeune héros attend calmement la mise bas d'une brebis (!!!) sur fond de musique classique. Scène émouvante et magnifique qui est suivi sans transition aucune par une longue scène de boîte de nuit. Les moutons laissent la place à des jeunes débridés où l'érotisme est à son paroxysme.
Comme à son habitude Kechiche s'est principalement entouré d'illustres inconnus lesquels excellent sans exception dans leurs personnages. Libérés de tout complexe (ils ont pas de raison d'en avoir cela dit), les acteurs se donnent corps et âme au voyeurisme assumé du cinéaste. On imagine la difficulté engendré par certaines scènes où la gêne d'origine laisse ici la place à une aisance naturelle. Le cinéaste fait sortir le meilleur d'eux même et voilà une ribambelle d'acteurs dont on peut imaginer sans prendre de pari risqué qu'une jolie carrière va s'ouvrir à eux. Que ce soit Ophélie Bau, Lou Luttiau, Alexia Chardard ou Salim Kechiouche sans oublier le pivot du film Shaïm Bounedine, ils dégagent tous un naturel bluffant, chacun défendant avec conviction leurs personnages et leur scaractère bien trempés. Avec des petits riens, ils fascinent ne serait- ce que par le charisme qu'ils dégagent tous. Le courage des prochain César serait de leur donner une récompense collective mais c'est une autre histoire que de dissoudre un protocole vieux de plus de 40 ans...
Évidemment la sensibilité de chacun n'étant pas la même, le film déconcertera sans doute certains peu ou plus habitués d'un cinéma tel que l'on le voyait jadis chez Eric Rohmer voire François Truffaut (Kechiche se verrait bien faire de Amin le héros son Antoine Doinel). Mais il faut se laisser tranquillement embarqué dans le groupe de ces jeunes et profiter avec eux d'un été hors du commun. Comme ce film.
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